DELLIS ou TEDELLIS a d'abord été fondée par une colonie
carthaginoise. Les Romains y formèrent plus tard un établissement appelé
Rusuccurus, qui devint une puissante cité sous l'empereur CLAUDE (l'an
50 de J.C.) Les anciens remparts, visibles surtout à l'ouest, les
citernes romaines de SIDI SOUSSAN, des mosaïques, un magnifique
sarcophage, déposé au musée d'ALGER, des médailles et des amphores
trouvées dans les fondations de l'hôpital et de la mosquée, tels sont
les vestiges de Rusuccurus, dans lequel on retrouve le Rousoukkour (le
cap des poissons) des Carthaginois.
Ce dernier nom trouverait son
explication dans les eaux poissonneuses qui baignent la base du rocher
allongé sur le flan est duquel est situé DELLYS.
Une longue Histoire
Détruite
par un tremblement de terre ou par les invasions, Rusuccurus fournit
plus tard ses mines pour la construction de ta ville arabe de DELLYS.
IBN-KHALDOUN
nous apprend que, après avoir fait partie du royaume de BOUGIE, elle
fut concédée par EL-MANSOUR à MOEZZ-ED-DOLA-IBN SOMADECH, souverain
d'ALMERIA, qui vint chercher un asile auprès de lui, quand l'Espagne fut
prise par les Almoravides 1088 (481 de l'Hégire) à1104 (498 de
l'Hégire).
Plus tard, en 1363 (765 de l'Hégire), l'émir Hafside
ABOU-ABD-ALLAH, s'étant rendu maître de BOUGIE pour la troisième fois,
enlève DELLYS aux Abd-el-Ouadites et y installe une garnison et un
gouverneur; mais attaqué à son tour par ABOUIIAMMOU, il lui envoie une
ambassade et obtient une suspension d'armes moyennant la cession de
DELLYS et le mariage de sa fille avec ABOUHAMMOU. Il est encore fait
mention à cette époque d'un directeur de douane à DELLYS ce qui lui
faisait supposer une certaine importance commerciale.
Tributaire de
l'Espagne, après la crise de BOUGIE en 1509, DELLYS devint un instant le
siège du gouvernement de KHEIR-ED-DIN, lorsqu'il partagea la régence
d'ALGER avec son frère BABA-AROUDJ (Barberousse).
DELLYS, habitée par une population de pêcheurs et de jardiniers habiles, ne fait plus parler d'elle.
Une
première soumission de ses habitants, en 1837, est suivie plus tard de
la prise de ta ville par le maréchal BUGEAUD, le 7 mai I 844, lors de
son expédition chez les Flissa; les combats des 12 et 17 du même mois
nous assurent définitivement la tranquille possession de DELLYS.
Ville française
Petite
ville en bord de mer, elle dépendait de l'arrondissement de TIZI-OUZOU
(Kabylie) du département d'ALGER. Située à 70 km à l'est de cette
capitale, les deux principales " attractions " de cette ville étaient
l'école que nous allons décrire et son port destiné au petit cabotage
mais aussi au sport nautique, dont le bâtiment a été pour beaucoup
d'élèves te seul lieu de loisirs.
Accessible avant la guerre de 1939,
par un train d'intérêt local à voie étroite, DELLYS ne t'a été ensuite
que par la route, ce qui nécessitait pour les élèves venant de tous les
coins de l'Algérie, pour quelques-uns après une journée de voyage, un
transport en car, effectué sur 20 km à partir de la gare CFA de CAMP DU
MARECHAL, près du village de BORDJ MENAIEL.
DELLYS se compose de deux parties bien distinctes le quartier arabe au nord et le quartier européen à l'est.
tous
deux en grande partie sur un plateau incliné de 70 à 80 m duquel se
détache le long promontoire connu sous le nom de CAP BENGUT, et auquel
DELLYS doit sinon un port, du moins une jetée et un bon mouillage où les
bâtiments peuvent se mettre à l'abri des vents d'ouest et du
nord-ouest.
La ville arabe, avec ses ruelles étroites bordées de
maisons blanchies à la chaux, recouvertes ça et là de vigne, offre, dans
ses échappées sur ta mer, quelques ressemblances avec certains hauts
quartiers d'ALGER. La ville européenne descend jusqu'à la mer.
DELLYS est l'entrepôt d'une partie de la Kabylie occidentale et fait un assez grand commerce d'huiles et de fruits secs.
Sur un plateau, à l'ouest, s'élève I'ECOLE DES ARTS ET METIERS.
Contexte social et économique de l'époque
En
octobre 1844, dès les derniers combats terminés pour ta pacification de
la Kabylie, " partie poétique de notre Afrique ", le Général BUGEAUD
faisait construire à FORT-NATIONAL, petite bourgade proche de
TIZI-OUZOU, une école professionnelle dirigée par un officier du Génie
le capitaine DAMARY ou le commandant AUGE (cf. selon ta bibliographie
choisie) pour fournir des techniciens à l'Algérie naissante.
La
réalisation de l'infrastructure de l'Algérie, bâtiments administratifs,
routes, voies ferrées, ouvrages d'art, etc. était confiée à l'armée.
Certains
officiers du Génie, polytechniciens, chargés de ces ouvrages, ne
disposaient pas de l'encadrement nécessaire et compétent pour les
construire et assurer ensuite leur maintenance. La doctrine du Saint
Simonisme diffusée par BAZARD, notamment auprès des anciens élèves de
polytechnique avait eu un certain écho, notamment auprès d'un des plus
remarqués, Ferdinand de LESSEPS qui venait d'inaugurer le 17 novembre
1869 " son canal de Suez " et avait obtenu, dans le cadre des accords
internationaux du 6 septembre 1864 au Liban, l'ouverture d'une école
d'apprentissage des Arts et Métiers, à BEYROUTH dont la direction était
confiée à la France.
Cette doctrine consistait à considérer ta nation
comme une entreprise individuelle, un vaste atelier où travaillaient
selon leur différence de capacité positive des ouvriers ou compagnons
qu'il fallait former, implicitement, selon les règles de l'époque.
Cette
doctrine appliquée au Liban va l'être en Algérie, en tenant compte
qu'en application de ta loi du 19 mai 1874 modifiée par celle du 2
novembre 1892 tout enfant âgé de moins de 18 ans occupé dans
l'industrie, le commerce... " en vue d'une formation professionnelle
méthodique et complète, est un apprenti.
L'apprentissage était
obligatoire pour toutes les corporations et surtout pour celles
rattachées aux < Arts et Métiers ". A partir du XVIIIe siècle, sous
l'ancien régime, ta durée était fixée à 3 ou 4 ans, de façon à initier
durant cette période, l'apprenti aux secrets de son futur métier.
La
formation de cadres supérieurs à l'époque était réservée à l'armée et à
partir de 1843-1912 à des élèves âgées de plus de 18 ans avec un niveau
scolaire de maths supérieures, dans quatre écoles supérieures
d'ingénieurs Arts et Métiers, situées toutes en Métropole.
Historique de l'école
Le
18 avril 1871 une insurrection se déclencha dans la région de
FORT-NATIONAL, l'école professionnelle se trouva pillée et incendiée.
La réédification de l'école détruite fut alors envisagée
- Au HAVRE, pour diverses raisons évoquées par le député de cette ville, Félix FAURE, futur président de la République.
-
A PHILIPPEVILLE par l'existence de casernes désaffectées signalées par
le sénateur de CONSTANTINE, LESUEUR, propriétaire des carrières de
marbre du Fil Fila près de PHILIPPEVILLE.
- A DELLYS qui finalement
fut choisie car à l'époque cette ville était te seul centre
administratif et militaire le plus important près d'ALGER.
Le 31 mai
1877 une délibération du conseil municipal de DELLYS mit à la
disposition de l'état le terrain nécessaire et une participation
financière de 50.000 F. La construction fut confiée aux Services des
Ponts et Chaussées bâtiment et logement de direction, réfectoires,
dortoirs, salles de cours, amphithéâtre, laboratoire avec matériel
d'enseignement, vastes ateliers avec outillage, force motrice et
éclairage électrique, pour assurer aux élèves par trois années d'études,
une culture générale et professionnelle.
Scolarité
Vu le
contexte et afin d'accélérer le processus de formation des techniciens
ou cadres principaux dont l'Algérie avait tant besoin, il s'est avéré
nécessaire de recruter comme pour les Ecoles Normales d'instituteurs,
des élèves d'un niveau correspondant au cours supérieur des écoles
primaires (Brevet d'Etudes). Le concours d'entrée comportait en
supplément des épreuves habituelles de maths. français, physique et
chimie, une de dessin industriel afin de discerner dans le futur "
Conscrit " ses capacités techniques.
Les élèves ayant tous moins de
18 ans, étaient recrutés par concours et durant leur scolarité, étaient
selon la doctrine indiquée ci-dessus des règles du compagnonnage et de
la Loi, des apprentis (compagnons) opérationnels dès la sortie de
l'Ecole.
En 1880, l'Ecole ouvrait avec 23 élèves sous l'autorité
militaire du commandant du Génie AUGE, cité ci-devant, qui connut,
dépendant de l'Intendance. de5 difficultés financières et ne pouvait
plus poursuivre sa tâche.
Par décret du 9juillet 1883, elle fut
placée sous l'autorité du ministère du Commerce et de l'lndustrie sous
le nom d'ECOLE NATIONALE d'APPRENTISSAGE DES ARTS ET MÉTIERS et explique
l'écusson représentant une équerre et compas encerclés d'une couronne
de feuilles de chêne ainsi que la chanson des " GADZ'ARTS ".
Un décret du 12 a6ût 1883 fixait à 60 internes l'effectif maximum (20/promo).
A
la suite de l'autonomie financière accordée à l'Algérie, par décret du
21septembre 1900. devient Coloniale d'A.A.S.M. sous l'autorité exclusive
du Gouverneur Général de l'Algérie direction de l'Agriculture et du
Commerce. Un décret du 22 octobre 1905
- fixait le nombre d'élèves internes à 120 avec une scolarité de 3 ans
-
créait pour répondre aux besoins locaux, un externat puis internat
indigène de 30 élèves boursiers recrutés par examen du niveau du
Certificat d'Etudes.
- indiquait le personnel d'encadrement suivant :
-administratif : un directeur, un comptable, deux commis,
-de service : cuisinier et aide, personnel de ménage, infirmier...
-enseignant
: cinq professeurs, dix chefs d'atelier et contremaîtres pour six
sections ajustage, forge, électricité, menuiserie, modelage et fonderie.
Après
la guerre de 1939-1945, l'appellation d'Ecole Coloniale d'Industrie,
dont nous n'avons retrouvé aucune référence, devait à notre avis
provenir d'une décision locale du directeur ou de la municipalité,
l'ensemble immobilier subissant de plus en plus les marques du temps et
surtout la dégradation du matériel d'enseignement nécessitait une
reprise urgente de réparation et novation qui ne pouvait être assurée
par le ministère de tutelle engagé sur d'autres projets.
Ecole Nationale
A
la suite de nombreuses démarches d'hommes politiques, de l'Amicale
fortement représentée par ses membres dans l'administration et du
nouveau directeur nommé après la guerre, en 1950, le type d'enseignement
étant conservé, l'Ecole devenait une E.N.P. et était placée sous
l'autorité du ministère de I'Education Nationale, attirant du même coup
tous les crédits nécessaires.
C'était la seule école de France qui
regroupait dans son enseignement en plus des disciplines d'industrie,
une section d'horlogerie (réservée jusque là à t'E.N.S. de Closes), une
section de froid (réservée à l'ES. de Saint-Ouen) et une section de
Travaux Publics.
La durée de scolarité passait à quatre années. Le
concours d'entrée pour les trois départements d'Algérie avec 6 à 10
centres d'examen ne prenait que des promotions de 30 à 40 élèves sur
plusieurs centaines de candidats comme nous l'avons indiqué, de niveau
du Brevet d'Etudes avec une épreuve de dessin industriel, matière
acquise en cours particuliers car elle ne figurait pas au programme du
BE.... (ex 3e moderne).
Des E.P.S., lycées et collèges d'Oranie
assuraient une préparation au concours ce qui explique le fort
pourcentage de 50 à 75 % d'Oranais dans les promotions.
Jusqu'en
1941, le régime intérieur hérité de l'organisation militaire d'origine,
comprenait des adjudants, sergents, caporaux qui assuraient par
promotion le respect et la discipline.
La prison était la sanction
principale et la promenade avec défilé avec fanfare en tête à la grande
joie des habitants de DELLYS.
Ce régime fut modifié au cours des
dernières années et la discipline confiée à un surveillant général
secondé par un surveillant mais aussi par des anciens ou élèves de 4e
année.
La scolarité pour chaque " Conscrit " consistait en première
année, pour les cours techniques, en un passage en atelier durant deux à
quatre semaines, 4 heures par jour, successivement dans chaque section
afin de déceler, en fonction des notes obtenues, la meilleure aptitude.
Une préférence pouvait être manifestée dans l'éventualité de plusieurs
excellentes aptitudes.
La deuxième année, la filière était définie et
suivie. Le bigorneau " voyait les journées d'enseignement passer avec
monotonie durant deux heures d'études, quatre heures d'atelier et
technologie où il encadrait des élèves de la section indigène qui lui
permettait en s'instruisant d'acquérir une pédagogie technique, quatre
heures de cours et une heure de révision la nuit à la lueur d'une
bougie, non imposée mais indispensable pour ne pas oublier
l'enseignement du jour, ponctuée des obligations pour fournir quelques
occupations aux " Bleus ", des examens...
La troisième année se
passait en étude, entre les anciens et tes bigorneaux peu remarqués des "
Bleus "puisque les " descentes " s'effectuaient de nuit, et en sorties
"fuite " à ALGER, l'examen de sortie n'ayant lieu que l'année suivante.
Enfin
la quatrième année, devenu " ancien " se déroulait dans tes transes de
l'examen de sortie devenu tout proche, du choix de carrière et de la
préparation du " Père cent " selon un motif thématique longuement choisi
et concrétisé en cours ou en " perruque "à l'atelier, avec l'aide
complaisante des contremaîtres et obligeante des " Bleus ".
Le " Père
cent " se déroulait dans les fastes des salons de l'hôtel Beau Rivage
avec dîner pantagruélique, bal aux sons de l'orchestre de l'école et
disparition totale des " Bleus " devenus ce jour-là, complètement
invisibles, car présents ils auraient succombé sous tes tâches énormes
de préparation qu'immanquablement les anciens leur auraient confiées...
Tradition
Durant
la première année, le " Conscrit " surnommé " Bleu …sert à faire
chauffer la colle..., il était d'usage à l'atelier de menuiserie de
garder la colle à bois servant à lier les ajustages, chaude, tout en la
remuant, et ainsi humer le parfum qui se dégageait. Cette corvée était
automatiquement réservée au premier " Bleu "qui, curieux, traînait par
là.
En règle générale, son statut de " Bleu " lui donnait l'avantage
d'être choisi, pendant une année, pour effectuer toutes les tâches
imaginées par les anciens, et notamment ceux revenus de la guerre qui
ont eu l'imagination fertile, même le dimanche pour mesurer avec une
allumette la longueur de la jetée du port, de traîner avec une ficelle
une boîte de sardines dans la rue principale, et danser pour les
fervents bals avec " Libellule " agréable et accorte cavalière possédant
une surcharge pondérale non négligeable, de passer sans rechigner, lors
des " descentes nocturnes des anciens cagoulés ", du cirage noir ou
brun sur son voisin de lit, un autre " Bleu " qui était heureux ensuite
de rendre service pour ensuite dans le grand bassin de la cour pouvoir
se laver en chœur et ainsi faire connaissance, etc.
Il avait aussi le
privilège lors des retours des vacances, le car de liaison gare -
DELLYS ayant un nombre de places insuffisant, de voyager couché sur le
toit, protégé par les valises et autres bagages odorants indigènes.
C'est
durant cette première année que les environs de DELLYS, CAP BENGUT,
TAKDEMPT, étaient découverts, du fait que lors des rares sorties du
dimanche après-midi, une certaine distance puisse exister entre un "
Bleu " et un " Ancien " qui en principe ne sortait pas de la ville.
Une
autre manière utilisée pour échapper pendant un certain temps aux
obligations de " Bleu " était le foot. Les joueurs étant favorisés du
fait que l'équipe de l'école sans cesse renouvelée avait acquis une
grande notoriété dans le foot universitaire.
La " colle " consistait
aussi, la prison n'existant plus après la guerre, à rester en étude
surveillée pour des exercices complémentaires de technologie, maths ou
philo, au lieu d'aller se détendre avec les copains en promenade (bleu)
puis ensuite au cinéma, au billard de l'hôtel Beau Rivage, au bal du
Sport Nautique ou " ailleurs ". Cet " ailleurs " étant particulièrement
apprécié.
La "descente " était effectuée par un petit groupe de "
Bigorneaux " ou d'Anciens, ta nuit, pour assister à l'exécution d'une
tâche demandée à un " Bleu ".
La " perruque " consistait à effectuer
avec te matériel de l'école, pendant ou en dehors des heures de cours,
des bibelots, outils ou objets personnels, tels que petites quilles,
symbole de la " grande fuite ", départ définitif de l'école. Les pièces
particulièrement réussies, brusquement appropriées par un prof,
pouvaient rejoindre les oeuvres d'art exécutées depuis 1880, entreposés
au musée.
Après la " fuite " ou départ en vacances en fin de première
année, et la rentrée à l'école, la deuxième année, par la découverte
puis l'assistance des " bleus ", malgré une surcharge de cours, était
plus supportable.
Professeurs et contremaîtres, avec l'aide des compagnons, étaient mieux acceptés.
La
chanson de l'école interprétée par les élèves musiciens privilégiés
devenait plus agréable à entendre qu'en première année et plus facile à
accompagner en chantant à gorge déployée durant les belles promenades au
pas cadencé du jeudi après-midi, dans les rues de DELLYS, sous le
regard admiratif des badauds et de la population kabyle.
Devenir de l'Ecole
Les
travaux de rénovation et de modernisation réalisés à partir de 1952 ont
généré des perturbations à cinq promotions mais ont été bénéfiques aux
cinq dernières mais surtout aux successeurs...
En 1977, lors d'un
voyage à DELLYS nous avons retrouvé notre école... et malgré
l'utilisation étrange des locaux et les quelques modifications, l'aspect
général n'avait pas changé.
Dans les ateliers les mêmes machines
outils ronronnaient un peu plus bruyamment, des calques et des projets
réalisés de 1950 à 1960 étaient conservés intacts, ainsi qu'à l'entrée,
le marteau pilon qui trônait avec l'horloge tant de fois regardée et
suppliée d'avancer.
Des caisses contenant du matériel reçu en 1960
étaient même conservées intactes, dans quelle attente? Peut-être
l'arrivée de nouveaux " Bleus"
L'école comprenait 500 élèves au lieu
de 160, c'est dire la compression exercée, dortoirs avec lits
superposés, des études et même du bureau du surveillant général tant de
fois désiré et maintenant réalisé.
Aucun renseignement ne nous a été donné sur la nature de l'enseignement et du diplôme délivré en fin de scolarité.
De
1880 à 1962, lors des deux guerres, l'école ayant été fermée durant six
années, 77 promotions sont passées, représentant une formation de 2.600
à 2.800 gadz'arts.
Durant l'année 1962, non compris le nombre
d'anciens n'ayant pas adhéré à l'Amicale et ceux d'origine indigène,
nommés préfets et même ministres, obligés de rester en Algérie, ce "
nouveau pays " a perdu 784 gadz'arts dellyssiens.
Tous techniciens et
cadres dont 352 directeurs, ingénieurs ou chefs de service, étaient
affectés dans les services de l'Etat ou des établissements publics :
Ponts et Chaussées, Mairie, Cadastre, Equipement, Génie rural, PTT, EGA,
CFA...
Ce qui explique que malgré leur remplacement, qui n'a pu être
que partiel par des coopérants mal adaptés, venus des pays de l'Est ou
de la métropole, une chute économique a été enregistrée.
La perte
peut être aussi mesurée par la carrière accomplie par les anciens en
métropole, dans les départements d'Outre-Mer ou à l'étranger Canada,
Brésil, Etats-Unis, Pays d'Europe, d'Asie ou d'Afrique Noire... où dans
de nombreux domaines, leur spécificité, qualification et mérite ont été
reconnus et récompensés
L'Amicale
Créée le 1er avril 1902, l'Amicale des Anciens Elèves de DELLYS:
-
En 1955, composée de quatre sections, ALGER, CONSTANTINE, ORAN et
Paris, comprenait 889 membres pour 63 promotions représentées, de la
1887 à la 1955.
- En 1997, composée de huit sections régionales,
Provence-Côte-d'Azur, lIe de France, Val de Loire, Rhône-Alpes.
Aquitaine, Midi-Pyrénées, Var,Languedoc-Roussillon, comprend 733 membres
pour 44 promotions représentées de la 1919 à la 1962.
Notre Amicale,
en rappelant ces traditions par l'évocation des souvenirs
d'adolescents, la chanson de l'école et l'appel des promotions, les fait
revivre. effaçant d'un coup le temps passé.
Les liens amicaux créés dès la première année de "Bleu " se trouvent renforcés.
Son
rôle moral est de transmettre cette amitié affectueuse " gadz'arts " à
tous ses membres et aux amis adhérents de notre Association, par une
réelle et efficace solidarité.
Hélas, il n'y a plus de rentrée
massive de jeunes camarades des dernières promotions. Malgré tout. notre
amicale gardera jusqu'au dernier compagnon sa vitalité acquise à
DELLYS.
Francis POULALLION
carthaginoise. Les Romains y formèrent plus tard un établissement appelé
Rusuccurus, qui devint une puissante cité sous l'empereur CLAUDE (l'an
50 de J.C.) Les anciens remparts, visibles surtout à l'ouest, les
citernes romaines de SIDI SOUSSAN, des mosaïques, un magnifique
sarcophage, déposé au musée d'ALGER, des médailles et des amphores
trouvées dans les fondations de l'hôpital et de la mosquée, tels sont
les vestiges de Rusuccurus, dans lequel on retrouve le Rousoukkour (le
cap des poissons) des Carthaginois.
Ce dernier nom trouverait son
explication dans les eaux poissonneuses qui baignent la base du rocher
allongé sur le flan est duquel est situé DELLYS.
Une longue Histoire
Détruite
par un tremblement de terre ou par les invasions, Rusuccurus fournit
plus tard ses mines pour la construction de ta ville arabe de DELLYS.
IBN-KHALDOUN
nous apprend que, après avoir fait partie du royaume de BOUGIE, elle
fut concédée par EL-MANSOUR à MOEZZ-ED-DOLA-IBN SOMADECH, souverain
d'ALMERIA, qui vint chercher un asile auprès de lui, quand l'Espagne fut
prise par les Almoravides 1088 (481 de l'Hégire) à1104 (498 de
l'Hégire).
Plus tard, en 1363 (765 de l'Hégire), l'émir Hafside
ABOU-ABD-ALLAH, s'étant rendu maître de BOUGIE pour la troisième fois,
enlève DELLYS aux Abd-el-Ouadites et y installe une garnison et un
gouverneur; mais attaqué à son tour par ABOUIIAMMOU, il lui envoie une
ambassade et obtient une suspension d'armes moyennant la cession de
DELLYS et le mariage de sa fille avec ABOUHAMMOU. Il est encore fait
mention à cette époque d'un directeur de douane à DELLYS ce qui lui
faisait supposer une certaine importance commerciale.
Tributaire de
l'Espagne, après la crise de BOUGIE en 1509, DELLYS devint un instant le
siège du gouvernement de KHEIR-ED-DIN, lorsqu'il partagea la régence
d'ALGER avec son frère BABA-AROUDJ (Barberousse).
DELLYS, habitée par une population de pêcheurs et de jardiniers habiles, ne fait plus parler d'elle.
Une
première soumission de ses habitants, en 1837, est suivie plus tard de
la prise de ta ville par le maréchal BUGEAUD, le 7 mai I 844, lors de
son expédition chez les Flissa; les combats des 12 et 17 du même mois
nous assurent définitivement la tranquille possession de DELLYS.
Ville française
Petite
ville en bord de mer, elle dépendait de l'arrondissement de TIZI-OUZOU
(Kabylie) du département d'ALGER. Située à 70 km à l'est de cette
capitale, les deux principales " attractions " de cette ville étaient
l'école que nous allons décrire et son port destiné au petit cabotage
mais aussi au sport nautique, dont le bâtiment a été pour beaucoup
d'élèves te seul lieu de loisirs.
Accessible avant la guerre de 1939,
par un train d'intérêt local à voie étroite, DELLYS ne t'a été ensuite
que par la route, ce qui nécessitait pour les élèves venant de tous les
coins de l'Algérie, pour quelques-uns après une journée de voyage, un
transport en car, effectué sur 20 km à partir de la gare CFA de CAMP DU
MARECHAL, près du village de BORDJ MENAIEL.
DELLYS se compose de deux parties bien distinctes le quartier arabe au nord et le quartier européen à l'est.
tous
deux en grande partie sur un plateau incliné de 70 à 80 m duquel se
détache le long promontoire connu sous le nom de CAP BENGUT, et auquel
DELLYS doit sinon un port, du moins une jetée et un bon mouillage où les
bâtiments peuvent se mettre à l'abri des vents d'ouest et du
nord-ouest.
La ville arabe, avec ses ruelles étroites bordées de
maisons blanchies à la chaux, recouvertes ça et là de vigne, offre, dans
ses échappées sur ta mer, quelques ressemblances avec certains hauts
quartiers d'ALGER. La ville européenne descend jusqu'à la mer.
DELLYS est l'entrepôt d'une partie de la Kabylie occidentale et fait un assez grand commerce d'huiles et de fruits secs.
Sur un plateau, à l'ouest, s'élève I'ECOLE DES ARTS ET METIERS.
Contexte social et économique de l'époque
En
octobre 1844, dès les derniers combats terminés pour ta pacification de
la Kabylie, " partie poétique de notre Afrique ", le Général BUGEAUD
faisait construire à FORT-NATIONAL, petite bourgade proche de
TIZI-OUZOU, une école professionnelle dirigée par un officier du Génie
le capitaine DAMARY ou le commandant AUGE (cf. selon ta bibliographie
choisie) pour fournir des techniciens à l'Algérie naissante.
La
réalisation de l'infrastructure de l'Algérie, bâtiments administratifs,
routes, voies ferrées, ouvrages d'art, etc. était confiée à l'armée.
Certains
officiers du Génie, polytechniciens, chargés de ces ouvrages, ne
disposaient pas de l'encadrement nécessaire et compétent pour les
construire et assurer ensuite leur maintenance. La doctrine du Saint
Simonisme diffusée par BAZARD, notamment auprès des anciens élèves de
polytechnique avait eu un certain écho, notamment auprès d'un des plus
remarqués, Ferdinand de LESSEPS qui venait d'inaugurer le 17 novembre
1869 " son canal de Suez " et avait obtenu, dans le cadre des accords
internationaux du 6 septembre 1864 au Liban, l'ouverture d'une école
d'apprentissage des Arts et Métiers, à BEYROUTH dont la direction était
confiée à la France.
Cette doctrine consistait à considérer ta nation
comme une entreprise individuelle, un vaste atelier où travaillaient
selon leur différence de capacité positive des ouvriers ou compagnons
qu'il fallait former, implicitement, selon les règles de l'époque.
Cette
doctrine appliquée au Liban va l'être en Algérie, en tenant compte
qu'en application de ta loi du 19 mai 1874 modifiée par celle du 2
novembre 1892 tout enfant âgé de moins de 18 ans occupé dans
l'industrie, le commerce... " en vue d'une formation professionnelle
méthodique et complète, est un apprenti.
L'apprentissage était
obligatoire pour toutes les corporations et surtout pour celles
rattachées aux < Arts et Métiers ". A partir du XVIIIe siècle, sous
l'ancien régime, ta durée était fixée à 3 ou 4 ans, de façon à initier
durant cette période, l'apprenti aux secrets de son futur métier.
La
formation de cadres supérieurs à l'époque était réservée à l'armée et à
partir de 1843-1912 à des élèves âgées de plus de 18 ans avec un niveau
scolaire de maths supérieures, dans quatre écoles supérieures
d'ingénieurs Arts et Métiers, situées toutes en Métropole.
Historique de l'école
Le
18 avril 1871 une insurrection se déclencha dans la région de
FORT-NATIONAL, l'école professionnelle se trouva pillée et incendiée.
La réédification de l'école détruite fut alors envisagée
- Au HAVRE, pour diverses raisons évoquées par le député de cette ville, Félix FAURE, futur président de la République.
-
A PHILIPPEVILLE par l'existence de casernes désaffectées signalées par
le sénateur de CONSTANTINE, LESUEUR, propriétaire des carrières de
marbre du Fil Fila près de PHILIPPEVILLE.
- A DELLYS qui finalement
fut choisie car à l'époque cette ville était te seul centre
administratif et militaire le plus important près d'ALGER.
Le 31 mai
1877 une délibération du conseil municipal de DELLYS mit à la
disposition de l'état le terrain nécessaire et une participation
financière de 50.000 F. La construction fut confiée aux Services des
Ponts et Chaussées bâtiment et logement de direction, réfectoires,
dortoirs, salles de cours, amphithéâtre, laboratoire avec matériel
d'enseignement, vastes ateliers avec outillage, force motrice et
éclairage électrique, pour assurer aux élèves par trois années d'études,
une culture générale et professionnelle.
Scolarité
Vu le
contexte et afin d'accélérer le processus de formation des techniciens
ou cadres principaux dont l'Algérie avait tant besoin, il s'est avéré
nécessaire de recruter comme pour les Ecoles Normales d'instituteurs,
des élèves d'un niveau correspondant au cours supérieur des écoles
primaires (Brevet d'Etudes). Le concours d'entrée comportait en
supplément des épreuves habituelles de maths. français, physique et
chimie, une de dessin industriel afin de discerner dans le futur "
Conscrit " ses capacités techniques.
Les élèves ayant tous moins de
18 ans, étaient recrutés par concours et durant leur scolarité, étaient
selon la doctrine indiquée ci-dessus des règles du compagnonnage et de
la Loi, des apprentis (compagnons) opérationnels dès la sortie de
l'Ecole.
En 1880, l'Ecole ouvrait avec 23 élèves sous l'autorité
militaire du commandant du Génie AUGE, cité ci-devant, qui connut,
dépendant de l'Intendance. de5 difficultés financières et ne pouvait
plus poursuivre sa tâche.
Par décret du 9juillet 1883, elle fut
placée sous l'autorité du ministère du Commerce et de l'lndustrie sous
le nom d'ECOLE NATIONALE d'APPRENTISSAGE DES ARTS ET MÉTIERS et explique
l'écusson représentant une équerre et compas encerclés d'une couronne
de feuilles de chêne ainsi que la chanson des " GADZ'ARTS ".
Un décret du 12 a6ût 1883 fixait à 60 internes l'effectif maximum (20/promo).
A
la suite de l'autonomie financière accordée à l'Algérie, par décret du
21septembre 1900. devient Coloniale d'A.A.S.M. sous l'autorité exclusive
du Gouverneur Général de l'Algérie direction de l'Agriculture et du
Commerce. Un décret du 22 octobre 1905
- fixait le nombre d'élèves internes à 120 avec une scolarité de 3 ans
-
créait pour répondre aux besoins locaux, un externat puis internat
indigène de 30 élèves boursiers recrutés par examen du niveau du
Certificat d'Etudes.
- indiquait le personnel d'encadrement suivant :
-administratif : un directeur, un comptable, deux commis,
-de service : cuisinier et aide, personnel de ménage, infirmier...
-enseignant
: cinq professeurs, dix chefs d'atelier et contremaîtres pour six
sections ajustage, forge, électricité, menuiserie, modelage et fonderie.
Après
la guerre de 1939-1945, l'appellation d'Ecole Coloniale d'Industrie,
dont nous n'avons retrouvé aucune référence, devait à notre avis
provenir d'une décision locale du directeur ou de la municipalité,
l'ensemble immobilier subissant de plus en plus les marques du temps et
surtout la dégradation du matériel d'enseignement nécessitait une
reprise urgente de réparation et novation qui ne pouvait être assurée
par le ministère de tutelle engagé sur d'autres projets.
Ecole Nationale
A
la suite de nombreuses démarches d'hommes politiques, de l'Amicale
fortement représentée par ses membres dans l'administration et du
nouveau directeur nommé après la guerre, en 1950, le type d'enseignement
étant conservé, l'Ecole devenait une E.N.P. et était placée sous
l'autorité du ministère de I'Education Nationale, attirant du même coup
tous les crédits nécessaires.
C'était la seule école de France qui
regroupait dans son enseignement en plus des disciplines d'industrie,
une section d'horlogerie (réservée jusque là à t'E.N.S. de Closes), une
section de froid (réservée à l'ES. de Saint-Ouen) et une section de
Travaux Publics.
La durée de scolarité passait à quatre années. Le
concours d'entrée pour les trois départements d'Algérie avec 6 à 10
centres d'examen ne prenait que des promotions de 30 à 40 élèves sur
plusieurs centaines de candidats comme nous l'avons indiqué, de niveau
du Brevet d'Etudes avec une épreuve de dessin industriel, matière
acquise en cours particuliers car elle ne figurait pas au programme du
BE.... (ex 3e moderne).
Des E.P.S., lycées et collèges d'Oranie
assuraient une préparation au concours ce qui explique le fort
pourcentage de 50 à 75 % d'Oranais dans les promotions.
Jusqu'en
1941, le régime intérieur hérité de l'organisation militaire d'origine,
comprenait des adjudants, sergents, caporaux qui assuraient par
promotion le respect et la discipline.
La prison était la sanction
principale et la promenade avec défilé avec fanfare en tête à la grande
joie des habitants de DELLYS.
Ce régime fut modifié au cours des
dernières années et la discipline confiée à un surveillant général
secondé par un surveillant mais aussi par des anciens ou élèves de 4e
année.
La scolarité pour chaque " Conscrit " consistait en première
année, pour les cours techniques, en un passage en atelier durant deux à
quatre semaines, 4 heures par jour, successivement dans chaque section
afin de déceler, en fonction des notes obtenues, la meilleure aptitude.
Une préférence pouvait être manifestée dans l'éventualité de plusieurs
excellentes aptitudes.
La deuxième année, la filière était définie et
suivie. Le bigorneau " voyait les journées d'enseignement passer avec
monotonie durant deux heures d'études, quatre heures d'atelier et
technologie où il encadrait des élèves de la section indigène qui lui
permettait en s'instruisant d'acquérir une pédagogie technique, quatre
heures de cours et une heure de révision la nuit à la lueur d'une
bougie, non imposée mais indispensable pour ne pas oublier
l'enseignement du jour, ponctuée des obligations pour fournir quelques
occupations aux " Bleus ", des examens...
La troisième année se
passait en étude, entre les anciens et tes bigorneaux peu remarqués des "
Bleus "puisque les " descentes " s'effectuaient de nuit, et en sorties
"fuite " à ALGER, l'examen de sortie n'ayant lieu que l'année suivante.
Enfin
la quatrième année, devenu " ancien " se déroulait dans tes transes de
l'examen de sortie devenu tout proche, du choix de carrière et de la
préparation du " Père cent " selon un motif thématique longuement choisi
et concrétisé en cours ou en " perruque "à l'atelier, avec l'aide
complaisante des contremaîtres et obligeante des " Bleus ".
Le " Père
cent " se déroulait dans les fastes des salons de l'hôtel Beau Rivage
avec dîner pantagruélique, bal aux sons de l'orchestre de l'école et
disparition totale des " Bleus " devenus ce jour-là, complètement
invisibles, car présents ils auraient succombé sous tes tâches énormes
de préparation qu'immanquablement les anciens leur auraient confiées...
Tradition
Durant
la première année, le " Conscrit " surnommé " Bleu …sert à faire
chauffer la colle..., il était d'usage à l'atelier de menuiserie de
garder la colle à bois servant à lier les ajustages, chaude, tout en la
remuant, et ainsi humer le parfum qui se dégageait. Cette corvée était
automatiquement réservée au premier " Bleu "qui, curieux, traînait par
là.
En règle générale, son statut de " Bleu " lui donnait l'avantage
d'être choisi, pendant une année, pour effectuer toutes les tâches
imaginées par les anciens, et notamment ceux revenus de la guerre qui
ont eu l'imagination fertile, même le dimanche pour mesurer avec une
allumette la longueur de la jetée du port, de traîner avec une ficelle
une boîte de sardines dans la rue principale, et danser pour les
fervents bals avec " Libellule " agréable et accorte cavalière possédant
une surcharge pondérale non négligeable, de passer sans rechigner, lors
des " descentes nocturnes des anciens cagoulés ", du cirage noir ou
brun sur son voisin de lit, un autre " Bleu " qui était heureux ensuite
de rendre service pour ensuite dans le grand bassin de la cour pouvoir
se laver en chœur et ainsi faire connaissance, etc.
Il avait aussi le
privilège lors des retours des vacances, le car de liaison gare -
DELLYS ayant un nombre de places insuffisant, de voyager couché sur le
toit, protégé par les valises et autres bagages odorants indigènes.
C'est
durant cette première année que les environs de DELLYS, CAP BENGUT,
TAKDEMPT, étaient découverts, du fait que lors des rares sorties du
dimanche après-midi, une certaine distance puisse exister entre un "
Bleu " et un " Ancien " qui en principe ne sortait pas de la ville.
Une
autre manière utilisée pour échapper pendant un certain temps aux
obligations de " Bleu " était le foot. Les joueurs étant favorisés du
fait que l'équipe de l'école sans cesse renouvelée avait acquis une
grande notoriété dans le foot universitaire.
La " colle " consistait
aussi, la prison n'existant plus après la guerre, à rester en étude
surveillée pour des exercices complémentaires de technologie, maths ou
philo, au lieu d'aller se détendre avec les copains en promenade (bleu)
puis ensuite au cinéma, au billard de l'hôtel Beau Rivage, au bal du
Sport Nautique ou " ailleurs ". Cet " ailleurs " étant particulièrement
apprécié.
La "descente " était effectuée par un petit groupe de "
Bigorneaux " ou d'Anciens, ta nuit, pour assister à l'exécution d'une
tâche demandée à un " Bleu ".
La " perruque " consistait à effectuer
avec te matériel de l'école, pendant ou en dehors des heures de cours,
des bibelots, outils ou objets personnels, tels que petites quilles,
symbole de la " grande fuite ", départ définitif de l'école. Les pièces
particulièrement réussies, brusquement appropriées par un prof,
pouvaient rejoindre les oeuvres d'art exécutées depuis 1880, entreposés
au musée.
Après la " fuite " ou départ en vacances en fin de première
année, et la rentrée à l'école, la deuxième année, par la découverte
puis l'assistance des " bleus ", malgré une surcharge de cours, était
plus supportable.
Professeurs et contremaîtres, avec l'aide des compagnons, étaient mieux acceptés.
La
chanson de l'école interprétée par les élèves musiciens privilégiés
devenait plus agréable à entendre qu'en première année et plus facile à
accompagner en chantant à gorge déployée durant les belles promenades au
pas cadencé du jeudi après-midi, dans les rues de DELLYS, sous le
regard admiratif des badauds et de la population kabyle.
Devenir de l'Ecole
Les
travaux de rénovation et de modernisation réalisés à partir de 1952 ont
généré des perturbations à cinq promotions mais ont été bénéfiques aux
cinq dernières mais surtout aux successeurs...
En 1977, lors d'un
voyage à DELLYS nous avons retrouvé notre école... et malgré
l'utilisation étrange des locaux et les quelques modifications, l'aspect
général n'avait pas changé.
Dans les ateliers les mêmes machines
outils ronronnaient un peu plus bruyamment, des calques et des projets
réalisés de 1950 à 1960 étaient conservés intacts, ainsi qu'à l'entrée,
le marteau pilon qui trônait avec l'horloge tant de fois regardée et
suppliée d'avancer.
Des caisses contenant du matériel reçu en 1960
étaient même conservées intactes, dans quelle attente? Peut-être
l'arrivée de nouveaux " Bleus"
L'école comprenait 500 élèves au lieu
de 160, c'est dire la compression exercée, dortoirs avec lits
superposés, des études et même du bureau du surveillant général tant de
fois désiré et maintenant réalisé.
Aucun renseignement ne nous a été donné sur la nature de l'enseignement et du diplôme délivré en fin de scolarité.
De
1880 à 1962, lors des deux guerres, l'école ayant été fermée durant six
années, 77 promotions sont passées, représentant une formation de 2.600
à 2.800 gadz'arts.
Durant l'année 1962, non compris le nombre
d'anciens n'ayant pas adhéré à l'Amicale et ceux d'origine indigène,
nommés préfets et même ministres, obligés de rester en Algérie, ce "
nouveau pays " a perdu 784 gadz'arts dellyssiens.
Tous techniciens et
cadres dont 352 directeurs, ingénieurs ou chefs de service, étaient
affectés dans les services de l'Etat ou des établissements publics :
Ponts et Chaussées, Mairie, Cadastre, Equipement, Génie rural, PTT, EGA,
CFA...
Ce qui explique que malgré leur remplacement, qui n'a pu être
que partiel par des coopérants mal adaptés, venus des pays de l'Est ou
de la métropole, une chute économique a été enregistrée.
La perte
peut être aussi mesurée par la carrière accomplie par les anciens en
métropole, dans les départements d'Outre-Mer ou à l'étranger Canada,
Brésil, Etats-Unis, Pays d'Europe, d'Asie ou d'Afrique Noire... où dans
de nombreux domaines, leur spécificité, qualification et mérite ont été
reconnus et récompensés
L'Amicale
Créée le 1er avril 1902, l'Amicale des Anciens Elèves de DELLYS:
-
En 1955, composée de quatre sections, ALGER, CONSTANTINE, ORAN et
Paris, comprenait 889 membres pour 63 promotions représentées, de la
1887 à la 1955.
- En 1997, composée de huit sections régionales,
Provence-Côte-d'Azur, lIe de France, Val de Loire, Rhône-Alpes.
Aquitaine, Midi-Pyrénées, Var,Languedoc-Roussillon, comprend 733 membres
pour 44 promotions représentées de la 1919 à la 1962.
Notre Amicale,
en rappelant ces traditions par l'évocation des souvenirs
d'adolescents, la chanson de l'école et l'appel des promotions, les fait
revivre. effaçant d'un coup le temps passé.
Les liens amicaux créés dès la première année de "Bleu " se trouvent renforcés.
Son
rôle moral est de transmettre cette amitié affectueuse " gadz'arts " à
tous ses membres et aux amis adhérents de notre Association, par une
réelle et efficace solidarité.
Hélas, il n'y a plus de rentrée
massive de jeunes camarades des dernières promotions. Malgré tout. notre
amicale gardera jusqu'au dernier compagnon sa vitalité acquise à
DELLYS.
Francis POULALLION