De la tragédie humaine
22 Octobre 2009 - Page : 21
Le romancier/pêcheur de Dellys, cinéaste de formation, revient
avec un recueil de nouvelles qui ne sent pas bon le poisson...
Edité chez Barzakh comme d’habitude, l’écrivain laisse sa
colère traverser ces 165 pages avec une verve remarquable. Agencées en genre
littéraire, ces sept nouvelles à l’âme pamphlétaire s’érigent contre le mal de
la société qui jette aux bas-côtés des individus que le reste du monde semble
avoir abandonnés, rejetés...Les personnages décrits dans ce recueil sont
meurtris dans leur chair, sans aucune illusion, désabusés, ternes ou
mornes.
La vie ne leur a pas fait de cadeau. Ou si! un peu quand même, pour
venir le leur reprendre après. Une tragédie. Présenté en début de semaine, à
l’espace Noun, l’éditrice Selma Hellal soulignera le côté puissant et la force
imaginative de Habib Ayyoub décrivant un univers subversif. Ce dernier fera
remarquer, à juste titre, qu’arrivé à l’âge adulte, on encaisse les déceptions
en tentant, pour certains, de changer le monde, qui en écrivant des poèmes, qui
par la littérature. Cet amoureux de Garcia Marquez dira que «la littérature
permet des échappées ubuesques qui se rapprochent de la réalité». Comme
est-il écrit ici, sur les «losers», ou mis en scène tel souligné par
Selma Hellal «ces sans-grades», ces gens qui ont touché un moment le
bonheur ou regrettent-ils un instant ne pas avoir fait un effort et se disent:
«J’aurais dû peut-être...». Habib Ayyoub répond à la responsable de
Barzakh qui semble s’attarder sur le côté pamphlet de la chose. L’auteur confie:
«Mon écriture est une sorte d’exutoire.» Dans ce recueil, en effet, tout
est gris, mettant en scène des hommes qui se sont frottés à l’amour et en
sortent abîmés. Des «saynètes théâtralisées très visuelles», affirme-t
-on rehaussent l’écriture de cet homme dont la veine cinématographique ponctue
indubitablement et clôt de façon majestueuse ce tableau quelque peu poussiéreux
à la dernière nouvelle, mais cette fois, de belle façon...
Dans L’Homme qui
n’existait pas, première nouvelle ouvrant ce livre, l’histoire est celle d’un
type désobéissant, un ancien commissaire aux comptes qui tombe entre les mains
des «moukhabarate». En possession de documents compromettants pour la
Sûreté de l’Etat, on lui envoie une jeune fille aguicheuse qui le déleste de ces
documents et partant, de ce qui peut l’identifier...Une abracadabrante histoire
qui rend bien compte du surréalisme dont est baigné notre pays. Cette nouvelle
dénonce l’art de la corruption, le bakchich à tous les étages, le règne de la
gabegie et le désordre social. Dans Le tribunal d’exception il est question de
juges corrompus et de prisonniers oubliés dans cette Algérie des
laissés-pour-compte. Dans Saison des pluies, des diatribes féroces fusent contre
les militaires. Un vieux mi-fou-mi sage, assis dans un café perdu dans un
village, comme sorti de nulle part, fulmine et crie à la conspiration...Nous
sommes, comme qui dirait, dans un monde parallèle. «Parfois c’est bien de
cultiver ce côté décalé dans la littérature. C’est ce dont nous avons
besoin», dira Selam. Dans La Gare de l’Agha, un chef comptable s’amourache
d’une femme qui prenait l’habitude de venir à la gare. Elle le laissera tomber
en lui envoyant une lettre disant qu’elle enquêtait sur les gens qui prenaient
les trains. Se sentant piégé et honteux, il sortira avec une fille puis la
laissera tomber après avoir abusé d’elle. Celle-ci finit par se suicider.
Beaucoup de désillusions traversent ce livre comme autant de traces sombres et
mélancoliques sur la main de notre destin. Dans La Véritable version des faits,
il est question de flics et de ces gens qui peinent à exister à côté de ces
occupants des chalets de Club des pins. La nouvelle La Concierge est
profondément triste et vous laisse comme un goût amer. Bref, L’Homme qui
n’existait pas de Habib Ayyoub est un livre qui se marie très bien avec la
grisaille de la saison à condition d’avoir le coeur solide pour y résister.
Habib Ayyoub a déjà publié aux éditions Barzakh plusieurs ouvrages, entre autres
C’était la guerre (nouvelles, 2002) prix Mohamed Dib et Le Désert, et après
(nouvelles, 2007). Dans L’Homme qui n’existait pas l’auteur reste fidèle à son
écriture imagée. Le recueil coûte 400 DA. A lire.
O. HIND
22 Octobre 2009 - Page : 21
Le romancier/pêcheur de Dellys, cinéaste de formation, revient
avec un recueil de nouvelles qui ne sent pas bon le poisson...
Edité chez Barzakh comme d’habitude, l’écrivain laisse sa
colère traverser ces 165 pages avec une verve remarquable. Agencées en genre
littéraire, ces sept nouvelles à l’âme pamphlétaire s’érigent contre le mal de
la société qui jette aux bas-côtés des individus que le reste du monde semble
avoir abandonnés, rejetés...Les personnages décrits dans ce recueil sont
meurtris dans leur chair, sans aucune illusion, désabusés, ternes ou
mornes.
La vie ne leur a pas fait de cadeau. Ou si! un peu quand même, pour
venir le leur reprendre après. Une tragédie. Présenté en début de semaine, à
l’espace Noun, l’éditrice Selma Hellal soulignera le côté puissant et la force
imaginative de Habib Ayyoub décrivant un univers subversif. Ce dernier fera
remarquer, à juste titre, qu’arrivé à l’âge adulte, on encaisse les déceptions
en tentant, pour certains, de changer le monde, qui en écrivant des poèmes, qui
par la littérature. Cet amoureux de Garcia Marquez dira que «la littérature
permet des échappées ubuesques qui se rapprochent de la réalité». Comme
est-il écrit ici, sur les «losers», ou mis en scène tel souligné par
Selma Hellal «ces sans-grades», ces gens qui ont touché un moment le
bonheur ou regrettent-ils un instant ne pas avoir fait un effort et se disent:
«J’aurais dû peut-être...». Habib Ayyoub répond à la responsable de
Barzakh qui semble s’attarder sur le côté pamphlet de la chose. L’auteur confie:
«Mon écriture est une sorte d’exutoire.» Dans ce recueil, en effet, tout
est gris, mettant en scène des hommes qui se sont frottés à l’amour et en
sortent abîmés. Des «saynètes théâtralisées très visuelles», affirme-t
-on rehaussent l’écriture de cet homme dont la veine cinématographique ponctue
indubitablement et clôt de façon majestueuse ce tableau quelque peu poussiéreux
à la dernière nouvelle, mais cette fois, de belle façon...
Dans L’Homme qui
n’existait pas, première nouvelle ouvrant ce livre, l’histoire est celle d’un
type désobéissant, un ancien commissaire aux comptes qui tombe entre les mains
des «moukhabarate». En possession de documents compromettants pour la
Sûreté de l’Etat, on lui envoie une jeune fille aguicheuse qui le déleste de ces
documents et partant, de ce qui peut l’identifier...Une abracadabrante histoire
qui rend bien compte du surréalisme dont est baigné notre pays. Cette nouvelle
dénonce l’art de la corruption, le bakchich à tous les étages, le règne de la
gabegie et le désordre social. Dans Le tribunal d’exception il est question de
juges corrompus et de prisonniers oubliés dans cette Algérie des
laissés-pour-compte. Dans Saison des pluies, des diatribes féroces fusent contre
les militaires. Un vieux mi-fou-mi sage, assis dans un café perdu dans un
village, comme sorti de nulle part, fulmine et crie à la conspiration...Nous
sommes, comme qui dirait, dans un monde parallèle. «Parfois c’est bien de
cultiver ce côté décalé dans la littérature. C’est ce dont nous avons
besoin», dira Selam. Dans La Gare de l’Agha, un chef comptable s’amourache
d’une femme qui prenait l’habitude de venir à la gare. Elle le laissera tomber
en lui envoyant une lettre disant qu’elle enquêtait sur les gens qui prenaient
les trains. Se sentant piégé et honteux, il sortira avec une fille puis la
laissera tomber après avoir abusé d’elle. Celle-ci finit par se suicider.
Beaucoup de désillusions traversent ce livre comme autant de traces sombres et
mélancoliques sur la main de notre destin. Dans La Véritable version des faits,
il est question de flics et de ces gens qui peinent à exister à côté de ces
occupants des chalets de Club des pins. La nouvelle La Concierge est
profondément triste et vous laisse comme un goût amer. Bref, L’Homme qui
n’existait pas de Habib Ayyoub est un livre qui se marie très bien avec la
grisaille de la saison à condition d’avoir le coeur solide pour y résister.
Habib Ayyoub a déjà publié aux éditions Barzakh plusieurs ouvrages, entre autres
C’était la guerre (nouvelles, 2002) prix Mohamed Dib et Le Désert, et après
(nouvelles, 2007). Dans L’Homme qui n’existait pas l’auteur reste fidèle à son
écriture imagée. Le recueil coûte 400 DA. A lire.
O. HIND